FASHION PACT : LE TEXTILE DANS LE BON SENS ?

Tribune publiée le 29 août 2019 dans Le Monde

À l’occasion du G7 à Biarritz, 32 des plus grandes entreprises du secteur de la mode ont présenté leurs engagements pour l’écologie dans le « Fashion pact » avec 3 objectifs : réduire l’impact sur le climat (en visant zéro émission de co2 d’ici à 2050), préserver la biodiversité et proteger les océans.

Depuis quelques mois, les géants du secteur rivalisent d’initiatives et d’annonces grand public : en décembre 2018, 43 entreprises signaient auprès des nations unies la charte de l’industrie de la mode pour l’action climatique (objectif 30% de réduction de co2 à 2030 et zéro émission à 2050). Les déclarations s’enchaînent. : H&m veut être « climate positive » d’ici 2040 et utiliser 100% de matériaux durables d’ici 2030 là où Zara s’y engage dès 2025. Adidas de son côté promet 100% de plastique recyclé pour ses basket des 2024.

Mais au delà des engagements indispensables des grands groupes, c’est tout un secteur qui marche sur la tête au point d’être presque devenu l’ennemi écologique no 1.

100 milliards de pièces sont fabriquées par an et l’industrie textile génère à elle seule 8% des émissions de co2 mondiales, soit plus que l’aviation et le transport maritimes réunis. Chaque Français en achète 10kg par an pour n’en donner que 3kg à réutiliser !

Nous devons repenser le secteur totalement, le métamorphoser d’une logique de consommation lineraire qui détruit les ressources à une vraie économie circulaire vertueuse qui les réutilise ou marques et consommateurs s’engagent ensemble.

Nous avons collectivement 3 combats à mener pour remettre le textile dans le bon sens

D’abord un combat culturel : Achetons moins ! Nous n’avons pas besoin des 10kg de vêtements que nous achetons chaque année, nos placards en débordent.

Ensuite, achetons mieux. à l’image du secteur alimentaire ou cosmétique, l’information est de plus en plus facilement disponible sur les conditions de fabrication des articles de mode.

Au delà d’un précieux coup d’œil à l’étiquette, l’application australienne GoodonYou recense et note les pratiques de fabrication de 2,200 marques et Clothparency son équivalent français va être lancé prochainement . Les labels sont légions (Origine France garantie, Entreprise du patrimoine vivant, France terre textile, bcorp…) et nous pouvons donc orienter nos achats vers des marques qui fabriquent localement et durablement.

Dans cette même idée, cherchons le juste prix financier, social et écologique de nos vêtements et ne cédons plus à la machine infernale de la promotion qui attise nos pulsions de shopping pour des produits dont on peine à comprendre la juste valeur.

Mieux encore soyons plus patients et créatifs en réparant ou en achetant en seconde main, le succès du bon coin et de vinted témoignent d’une dynamique de fonds

Enfin, rappelons nous que le client est roi et entrons dans une démarche active et constructive avec les marques.

Pour les marques, l’enjeu est immense :

Dans un contexte économique compliqué (le marché français de la mode est en baisse depuis 10 ans) elles doivent changer toutes leurs façons de faire, remette en question tous les procédés de fabrication et s’engager dans de difficiles et coûteuses démarches de recherche et développement dont elles ne peuvent pas garantir l’impact économique.

Elles doivent inventer un nouveau monde avec la grille de lecture de l’ancien.

Cette contradiction ne peut être résolue qu’a 2 conditions

D’une part la volonté claire des marques de prendre ces enjeux à bras le corps et d’assumer ces nouvelles contraintes malgré les incertitudes, et s’il reste trop peu incitatif c’est ce que signifie ce fashion pact. De l’autre l’engagement aussi clair des clients à pousser les marques dans ces démarches.

En entrant dans un vrai dialogue actif avec les marques, en posant des questions sur où et comment, en nous interessant de près à ce qui est aussi de notre responsabilité nous les encourageons dans toutes sortes d’initiatives circulaires : collecte de vieux vêtements, réparation, recyclage, campagne de crowdfunding pour tester des innovations…

Certaines gammes innovantes en coton recyclés ou autre matériaux n’auront au début peut être pas les mêmes propriétés que les vêtements conventionnels : moins parfaits, des délais plus longs et ils coûteront peut être plus cher. il faut que nous soyons prêts à l’accepter.

C’est par le succès de ces initiatives, par notre demande en tant que clients que les marques accélèreront la cadence de cette transformation.

Sortons de la caricature des grands groupes qui exploitent l’ignorance des consommateurs. Les marques sont à notre service, à nous, aussi, de leur demander d’aller dans le bon sens.

Pour conclure, je me permets une perspective pour l’avenir de ce métier qui devrait nous inciter dans cette voie de curiosité proactive dans notre rapport au textile :

Dans 20 ans, 50 ans il est tout à fait envisageable que nous fabriquions nous mêmes tout ou partie de nos vêtements, chez nous ou au coin de la rue en impression 3D.

À la pièce, à la demande et bien sûr à partir d’anciens vêtements recyclés.

L’économie circulaire parfaite, sans stock, sans main d’œuvre à la chaîne et avec un impact écologique positif.

Finalement on reviendrait à une fabrication « artisanale » de nos vêtements, et à une industrie de la mode totalement déconcentrée, à échelle humaine, permettant une créativité infinie et qui marquerait la fin du « prêt à porter » Non pas de la mode en tant que formidable énergie créative mais bien du prêt à porter en tant que modèle de production de masse qui a fini par perdre son sens.

Le verrons nous de nos yeux ? Une chose est certaine, ce n’est que collectivement, en assumant tous notre part de responsabilité, marques et consommateurs que nous pouvons dès aujourd’hui renverser la vapeur pour inventer une mode équitable et durable et redonner du sens à ce merveilleux métier.

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